Le protocole CooPair

CooPair booklet

Financé par la Fondation Carasso, le projet CooPair s’inscrit dans le prolongement de l’initiative des Nouveaux commanditaires. Portés depuis le début des années 90 par la Fondation de France à l’instigation de l’artiste François Hers, les Nouveaux commanditaires entendent permettre à des collectifs affectés d’un trouble, quels qu’ils soient, de passer commande d’une œuvre d’art (protocole original) ou d’un projet de recherche (protocole « Nouveaux commanditaires de science »). En cultivant une demande, ce sont les finalités mêmes de l’art contemporain qui sont réinterrogées : du rapport au marché à la place du public en passant par la conception « romantique » de l’artiste ou l’évolution des formes en ce début de XXIe siècle.

Le projet CooPair se propose plus spécifiquement de réactualiser le protocole des Nouveaux commanditaires après plus de 25 ans d’existence, au croisement des domaines de l’art et de la science. L’objectif étant d’intervenir en amont de la commande proprement dite, en appui aux publics, afin de les aider à (re)formuler eux-mêmes leurs problèmes et leurs interrogations. De ce fait, Coopair se place résolument sous le signe de l’enquête, en favorisant des collaborations étroites entre collectifs situés, artistes et chercheurs.

Du coté des artistes, il s’agira de mobiliser celles et ceux dont les œuvres s’attachent à travailler des situations qui en constituent le matériau, en développant de nouvelles formes pour de nouvelles interventions, ce que nous nommons un « art des situations ». Celui-ci questionne évidemment la position de l’artiste et les ressorts de l’agir dans le monde contemporain. L’art des situations ne revendique cependant aucun privilège pour l’artiste, si ce n’est négatif – ce qui est déjà beaucoup – car ce/tte dernier/ère n’est ni manager, ni designer, ni activiste, ni travailleur social, ni… Son privilège, quand il/elle l’assume, est précisément d’échapper (à des degrés divers) aux cadres comme aux méthodes qu’imposent ces postures – le constat cuisant de leur échec respectif à prévenir l’horizon Anthropocénique au sein lequel notre existence s’inscrit désormais interdisant de les prendre pour modèles (c’est également vrai de l’art – à suivre François Hers, l’histoire de l’art, de ce point de vue, n’est peut-être qu’une étape préparatoire anticipant un déploiement sans précédent des formes radicalement nouvelles). La proximité avec l’enquête est évidente, quand elle n’est pas (la plupart du temps) tout simplement revendiquée. Peu reconnues en France, les pratiques que désigne cette expression, pourtant bien vivaces pour toute une génération d’artistes, peinent à trouver un circuit économique adapté. C’est pourquoi CooPair entend non seulement contribuer à leur donner la visibilité et le crédit qui leur font défaut à l’heure actuelle, mais également à bâtir les prémisses d’un modèle économique à leur mesure (en explorant notamment les possibilités ouvertes par les nouvelles formes d’organisation coopératives).

En parallèle, il s’agira également d’équiper l’enquête menée avec les collectifs impliqués en mobilisant les outils d’analyses des controverses développés initialement par les sociologues. Le recours à ces outils par des publics évoluant en dehors du milieu académique est jusqu’ici demeuré extrêmement limité, pour ne pas dire inexistant. Or, il y a bien un paradoxe à voir la cartographie des controverses servir d’abord et avant tout aux enseignant/e/s-chercheurs ainsi qu’aux étudiant/e/s des grandes écoles plutôt qu’aux collectifs en prise directe avec les controverses disséquées a posteriori par le milieu académique. Les artistes visuelles, numériques mais aussi les designers seront tout particulièrement sollicité/e/s pour investir la dimension esthétique inhérente aux pratiques et aux outils scientifiques, particulièrement saillante dans le cas de la cartographie en général, des controverses en particulier.

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